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Pense-bête: à ton avis? (déjà 125!) / années folles d'AKELA (LETTRE DU STRATEGE) + + + +
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Noir Solitaire | #1 25/08/2024 - 10h34 |
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Légend…iaire?
Nous étions en 1986… La date n’a guère d’importance. Des dates, il y en a eu tant et tant ensuite. Il me semble avoir été en vacances : un de ces rares moments de quiétude propice à l’errance. Je suis entré un soir au sortir d’une salle dans l’univers d’un film. Je ne fus pas le seul. Nous fûmes des centaines, semblables à nous laisser surprendre. L’Aventure nous a saisi par surprise. Elle ne m’a plus quitté depuis. J’ai été lent à comprendre ce qui arrivait, hésitant devant les usages, effrayé par certains tenants, fasciné par cet univers naissant. Le personnage existait déjà mais ce n’était qu’un fauve qui survivait à peine, sans même le savoir. Il n’avait pas de nom, je lui en ai donné un. Son histoire commence en un moment terrible… Des hommes l’ont saisi et crucifié, puis d’autres l’ont délivré… une légende est née. Les jours ont commencé à compter… Il apprit qu’il était homme, et que les jours s’ordonnaient en semaines. Les semaines s’enchaînaient pour devenir des mois et l’homme-bête devint un guerrier au service d’un Prince, d’un Empereur. Il apprit que les empereurs sont mortels, mais pas lui. Il apprit à survivre à ses maîtres par la force des choses... jusqu’à en devenir un. Aux années ont succédé les siècles, les combats aux batailles, les batailles aux conflits. Puis vinrent les époques au rythme lent du temps qui passe inexorable. Les équipées sauvages des temps héroïques ont laissé place à des traques impitoyables. Enfin, de patientes recherches en enquêtes électroniques, nous nous sommes retrouvés, une poignée à peine, à l’ère moderne, celle de la génétique, bien incapables pourtant d’expliquer tout cela. Au final, il n’en est resté qu’un et je suis devenu celui qui dicte sa Mémoire. C’est une sorte d’héritage, à la fois fascinant et terriblement pesant : Les souvenirs sont confus, fragmentés, dispersés entre de multiples personnalités, celles de tous les vaincus sans doute, sans qu’il soit possible d’organiser tout ce fatras. Parfois de brutales réminiscences me rappellent l’instinct animal qui le saisit à chaque nouveau combat. Certaines choses, à certains moments, sans raison particulière apparaissent incongrues, comme des sortes d’interdits irrationnels ; tandis qu’à d’autres la peur et le courage intimement mêlés se conjuguent et laissent entrevoir des pouvoirs étranges mais pratiquement incontrôlables. Tout cela forme une entité qui ne le quitte jamais pour le saisir aux moments les plus inattendus. Il survit ainsi, c’est une vieille habitude. C’est devenu plus qu’une raison, c’est un credo ! MA SURVIVANCE EST MA RAISON ! Puérilité ? Peut-être ! J’en tire insolemment quelque fierté et vous invite à pénétrer discrètement en témoin privilégié dans cet univers. Prenez garde toutefois à ne point trop vous pencher car de « Jumanji » à « Histoire sans Fin », il n’y a guère plus qu’entre conteurs et saltimbanques qui sont tous de fieffés menteurs ; ils ne vous disent que ce que vous désirez entendre. Êtes-vous prêts pour cette aventure-là ? Le réel, les contes, votre vie, les légendes, l’Histoire, les peurs de l’humanité, les grands mystères, tout y est enchevêtré, tout est prêt à basculer. A chacun de reconstituer Sa vérité. Seuls les lieux, dates et personnages prennent parfois quelque consistance. Celles et ceux d’entre vous qui sont bénis des Muses ou de vrais érudits ont quelque chance, un jour ou peut-être une nuit, de faire La rencontre. La verrez-vous passer, l’Ombre en pèlerinage ? Elle se rend auprès d’une vieille connaissance en un lieu mystérieux au détour d’un clocher, d’un parchemin, d’une pierre gravée, ou même de certains méandres électroniques ? Peut-être êtes-vous déjà initié ? Bien sûr, dans ce cas, vous n’êtes pas parti à l’aventure sans précautions, vous disposez de renseignements et peut-être même de certains talismans laissés à bon compte comme autant de traces de leur infortune par celles et ceux qui ont perdu leur tête ? Bien trop nombreux pour en citer aucun ! N’allez pas croire à ce propos que toutes les amulettes se valent, certaines ont réellement une histoire. Mais seul celui qui les a cachées en connaît la fin. Ces clefs vous seront utiles pour… rentrer ou pour…sortir, de qui ? De quoi ? De l’Histoire ou de votre Personnage ? Vous avez été prévenus, vous vouliez en être ? J’en suis fort aise ! Eh bien, rêvez donc maintenant.
Noir Solitaire
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Noir Solitaire | #2 03/09/2024 - 17h55 |
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La Légende de « Nuit de Lune »
Nous sommes, en cet instant, en terres de légendes. C’est un monde merveilleux où pourtant déjà, s’affrontent sans pitié, des forces que l’ont dit « naturelles ». Le Bien, le Mal, n’existent pas encore mais les êtres sur cette terre déjà se combattent… Souvenez-vous ! Merlin, Morgan, Mordred, le petit peuple et le Dragon, la Dame du Lac aussi… et Arthur et Guenièvre et tant d’humbles ou de preux, qu’importe ! Sur leurs chairs putréfiées, pèse désormais d’un poids égal la terre qui les recouvre anonymement. En ces temps troublés, Morgane cherchait à armer son fils. En tissant la toile du probable, elle devinât qu’un troll des montagnes du Nord disposait d’un trésor à nul autre pareil : des armes enchantées, des armures maléfiques, de quoi équiper une armée. Cette armée qu’elle appelait de ses vœux pour reprendre le trône qui revenait à Mordred. Elle fit ce qu’elle estimait juste et ce que savait faire les sorcières d’alors. Elle s’empara ainsi de l’animal trésor et choisit pour Mordred une arme étrange qui chantait en dansant son macabre ballet. Il lui semblait qu’une telle arme enchanterait son fils et serait le pendant de cette Excalibur dont Arthur se paraît. Mordred grandit avec cette arme étrange qui ne semblait prendre pleinement vie que lorsque la lune brillante, s’élevait haute et pleine dans les cieux étoilés. Toutefois, il ne parvint jamais vraiment à la considérer comme sienne ; l’arme était de caractère et c’était un homme qui ne tolérait pas la moindre contrariété. Malgré les avertissements de sa mère, qui savait par magie de quoi cette arme était capable, c’est avec sa lance qu’il tenta de porter, à son père, le dernier coup fatal… On sait ce qu’il advînt de Mordred et d’Arthur et même de Merlin ou Morgan, mais de l’acier anonyme souillé du sang des braves, seule la terre peut-être retînt, comme le goût amer. Le temps passa et les brumes sur les lieux de la bataille bien des fois , revinrent recouvrir les pitoyables vestiges de cet indécent affrontement. La magie peu à peu s’étiola avec l’exil lent et inexorable d’Avalon. Les enchanteurs n’étaient plus, un Dieu unique s’imposa. Alors, la forêt repoussa, les animaux revinrent et avec cette vie qui reprenait ses droits réapparut l’homme qui s’approprie et règne sans partage. Un bûcheron sans maître, homme frustre mais puissant physiquement, inconscient du lieu qu’il profanait de son insondable ignorance, en abattant un aulne aux proportions étonnantes, fit cette étrange trouvaille : une drôle de lame avec un manche presque sans garde et de curieux motifs damasquinés sur une seule face. De mémoire, il pensa à ces épées dont les vieux parlent le soir auprès du feu quand le froid vous saisit aux épaules et que l’homme aime à trouver le réconfort dans la proximité de ses semblables. Rien ne le menaçait, même pas les ours et certainement pas les loups dont il aurait aisément broyé les os d’un coup de son merlin. Mais l’épée, trop longtemps oubliée, avait besoin d’un maître. Elle avait soif de sang comme un démon a soif de malices. Celui-ci ou un autre qu’importe quand on a faim ou soif, on ne fait pas le difficile. Le bûcheron mit l’arme dans son bagage et l’oublia un peu. L’hiver venu il arriva dans un village du Kent où il avait ses habitudes et une femme qui l’attendait. Là, le destin le rattrapa sous les traits d’un amant qu’il trouva dans la couche qu’il estimait comme sienne. La colère le saisit, et la mémoire lui revint de cette épée qu’il avait dans son sac. Une idée lui traversa l’esprit, fugace, comme il n’aurait jamais dû en avoir. Etait-elle de lui cette idée ? Ou l’épée assoiffée s’était-elle rappelé à lui sous cette forme. Passe encore de massacrer son rival honnêtement d’un coup de hache ! La populace ivre de colère et de mauvaise bière ne lui pardonna pas de s’être pris pour un chevalier en estoquant ainsi le jeune homme et la femme. L’épée chanta et dansa un court instant avant que ne tombe le bûcheron pris de folie, sous un mauvais coup de fourche dans le dos… L’histoire est parfois cruelle… Le jeune homme mourut… il fût porté en bière dans l ‘église et une main innocente posa à côté de lui l’épée encore ruisselante de sang comme si ce geste pouvait atténuer la peine de la victime. Une vieille veilla le corps du jeune homme à la lueur de mauvaises bougies. La nuit passa comme passent les nuits d’automne, froide, longue et peuplée de chimères… Or, tandis que le jour commençait à poindre derrière les collines boisées loin vers l’Est, survint un événement qui allait changer le cours de bien des destins… Un râle rauque tout soudain s’éleva du cercueil comme une délivrance particulièrement difficile. Le jeune homme fraîchement trucidé s’éveilla d’un cauchemar totalement douloureux. Il avait été tué, il était mort et maintenant une vieille hurlait en le voyant se redresser… Ses cris d’orfraie résonnaient dans l’église qui trônait au milieu du pauvre village. Le jeune homme avait pour nom Salaman comme son père, et le père de son père et sans doute bien d’autres avant lui. Il vit son malheur dans le visage horrifié de la vieille, il vit sa condamnation dans les signes de croix du prêtre qui accourrait, il entendit dehors l’attroupement qui se formait et se rappela le lynchage de celui qui l’avait tué et l’éclair de folie meurtrière qui animait les yeux de son meurtrier… Il vit l’épée posée entre ses jambes dans le cercueil, cette arme qui ne voulait pas être de nouveau oubliée, cette arme qui l’avait peut-être ramené d’entre les morts… Il prit l’épée et courut loin, très loin. Il traversa la petite mer et disparut de Bretagne pour… toujours. … « - La suite des événements est plus floue, votre Eminence. La femme dit que l’homme a gémi et puis s’est animé, sans doute mû par un démon. Il a fait grand carnage des braves gens qui accourraient, craignant un drame et puis s’est enfui avec un hurlement, on aurait dit un leu ! » … Salaman vécut par le fer. Il devint un grand guerrier et vécut de nombreuses vies d’homme, sans jamais comprendre ce qui lui arrivait. Ce n’était pas un brave mais il allait l’âme tranquille et la mort ne lui était pas un problème, surtout celle des autres. La mort des autres lui faisait du bien et son épée était toujours à ses côtés comme un… talisman ! Il allait de combat en combat, d’escarmouches en batailles… Parfois, il se sentait attiré vers un de ses semblables et le tuait en combat singulier. A chacun de ces combats, il devenait plus fort. Le jeune homme devînt un vieux guerrier sans pour autant que son corps évolue, les blessures disparaissaient, les douleurs s’évanouissaient, comme le plaisir qu’il ne trouvait plus guère quelque soient les bras qui s’ouvraient tendrement à ses étreintes viriles. Les chefs de clan devinrent des seigneurs, les seigneurs devinrent des Ducs et les Ducs accouchèrent d’un Empereur, Charles le Magne. Charles fit de Salaman l’un de ses ambactes, c’était un grand honneur pour un homme sans origines. Charles était intrigué par l’épée plus que par le guerrier, l’épée le fascinait. Il ne se lassait pas du son de ses évolutions lorsqu’il faisait bataille et que le sol rougissait du sang ennemi. Un soir de beuverie Salaman le jeune raconta sa vie, sa légende, à la fratrie guerrière aussi avinée que lui, qui ne le crût point. Comment auraient-ils pu ? Par dérision pour ce hâbleur, par respect pour ce beau conteur, Roland le railla en le surnommant Salaman l’Ancêtre, et ce surnom lui resta. Mais Charles le Magne avait dans le regard une lueur d’envie. Il était Empereur, l’ami d’un pape qui lui avait révélé certains secrets. Lui, l’Empereur ne vivrait jamais autant que son féal Salaman. A moins que, peut-être si l’épée devenait sienne… L’épée… L ‘EPEE ! Le secret devait être dans l’épée. Mais le prêtre l’avait prévenu : l’épée était maudite… et son chant était si beau, particulièrement à la pleine lune. Comme le sont les promesses des diables… ! Une autre épée autrefois avait fasciné un homme. Cette autre épée qui avait fait perdre la tête et la vie et son royaume à Arthur : Excalibur ! Quel rapport pouvait-il y avoir ? Pourquoi pensait-il à Excalibur, lui, l’Empereur chrestien, en admirant cet épée d’un autre âge ? Les songes d’un Empereur sont-ils inspirés ? Une nuit, un rêve vint , qui resta au matin dans les limbes du conscient. A l’entraînement du matin, il s’approcha de Salaman à la quintaine et sans trop savoir pourquoi abruptement, lui dit : Ton épée a un nom, elle s’appelle Nuit de Lune ! Salaman hésita devant la soudaineté de la remarque mais l’épée à son bras manifesta sa satisfaction ! La frappe fut telle que l’épée chanta en plein jour et la quintaine fracturée, vola au sol… en deux morceaux ! La suite et la morale de cette histoire ? C’est dans une autre légende qu’il vous faudra chercher ! Rares sont ceux qui s’y sont aventurés… Vous voilà prévenus, les suivants s’il en reste sauront exactement pourquoi risquer ainsi d’y perdre vie et âme !
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Noir Solitaire | #3 03/09/2024 - 17h59 |
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La fin d’un capitaine
Récit du combat entre EURYGIES et NOIR SOLITAIRE… Porte Sud, dite de « St Jacques » Il attend… calme… en apparence au moins… mais sa main, sur ma garde, je la sentais crispée, comme lorsque d’un coup de taille, il me désire tranchante. Bientôt, ce sera… Ironie… D’être le premier, je le perçois heureux, très satisfait de guetter, tel le chat, les Autres qui approchent. L’un est velu, puissant, sûr de lui, fier de sa lame et de ses trop faciles victoires ! je le mépriserai… L’autre est… hésitant, l’esprit en compromis, nécessité et déplaisir, la lutte lui est incertaine… Trop contrarié pour avoir l’âme précise et lame sûre ! Il sera mien sous peu, je le veux et d’ailleurs lui aussi il attend cette délivrance… Salamalecs, attitudes grotesques… La présence est trop forte, il faut qu’ils se libèrent ! Tiens… Un insignifiant ? Tout orgueil d’avoir été convié… Il a de la chance que Muse soit en lui… Bah ! Maintenant il est temps, la pierre de leur sang depuis maintes blessures, a bien été gorgée : il a le dessus et m’irrigue de sa Force ! Ouiii, charge ! Feinte tête, COU ! C’est à moi, désormais je m’échappe, et vers ce cou offert, mon tranchant taille sans effort… Sifflement, craquement sec… Oui, c’est bon ! Encore, encore ! Il était grand temps car, depuis Salaman puis Ben Almanet, plus de 200 ans sans rien qu’insignifiants, j’ai bien failli attendre ! Solitaire Noir… ce soir, par désespoir et rage, je m’attache, tu m’acquiers définitivement ! Je serai tienne et sous la lune pleine, sers moi bien désormais… ! Que le ciel se charge de sombres nuées et que le vent, mon allié, souffle fort en ces lieux ! Il s’appelait EURYGIES, ses hommes l’appréciaient, c’était un excellent capitaine. Ce soir-là, sur la Porte Saint Jacques, il monta bien armé, la mine grave, interdisant à quiconque de le suivre… La lune était pleine, dans un ciel encore tiède d’une torride journée. Le soleil s’effaça d’un coup sous un sombre linceul… Il y avait combat sur la plus haute tour, d’étranges personnages se mouvaient incertains et pour sûr, le Malin devait y être aussi pour ainsi déchaîner, abruptement les Cieux ! Soudain, un lent cri de douleur et de délivrance, ponctué d’un long éclair pourpre incendia la tour. L’orage éclatait, particulièrement violent. Parthenay eut peur, une de ces peurs absurdes, irraisonnées et totales ! Nul n’osa plus vers les Cieux regarder au delà des créneaux… C’est dommage ! Nul ne vît donc, l’étrange démon noir, dansant dans la tourmente et bondissant de créneau en créneau, sa grande épée dressée avant de disparaître dans un tourbillon comme chevauchant le… vent ! Une autre forme, comme une torche vivante, s’élança dans le vide et chuta dans l’eau glauque du fossé … sans aucun bruit… pour ne plus jamais reparaître… D’Eurygies au matin, on ne retrouva que ses armes, souvenirs dérisoires, ainsi qu’un barde qu’il avait convié pour l’occasion, inconscient à même le sol et gravement brûlé qui survécut pourtant à moitié fou. Il court encore le monde à la poursuite d’on ne sait quoi, on ne sait qui ou quelles rîmes ! Padrag ab Ogor, tu détiens, il est vrai, un tel secret… ...combat organisé Tour St Jacques, un soir d’orage, lors du festival du jeu de Parthenay (F.L.I.P.) fin des années 80 (XXème siècle). Cycle du feu
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Noir Solitaire | #4 03/09/2024 - 18h00 |
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Extraits de « Contes de l’Interdit Lointain »
La Nuit des Loups, 1477 le 3 janvier… Récit du combat entre BEN ALMANET et SOLA… Le ciel lourd, bas et gris, n’annonçait rien de bon, ce matin déjà, pour la courte journée à venir… La plaine en partie inondée, disparaissait au loin dans les brumes glacées d’un hiver interminable. Une bataille s’achevait. D’autres que moi, artistes sobres ou fous l’ont habillée de tons cendres, terre et azur pour le plaisir des princes et pour mieux la coucher sur la toile du peintre. Ont-ils donc oublié ces tons de gueule qui rugissaient de dépit aux jointures des armures souillées, et les noirs caillots que se disputaient bruyamment corneilles et grands corbeaux, et la peine des montures errant sans âme dans les anciennes pâtures ? Dans ce vaste charnier boueux et glacé, les valets des vainqueurs miséricordieux un peu les vaincus et les détroussent beaucoup. Les loups de leur côté, mes amis, mes compagnons en terre de sauvagerie ne laissent pas leur part aux chiens, lâchés par quelques paysans pour une exceptionnelle pitance. C’aurait pu être une belle bataille, oui ! Pourtant… Les Lorrains étaient déterminés à en découdre, mais les eaux boueuses de la Meurthe toute proche, la boue gelée jusqu’aux genoux parfois, la dysenterie et la faim se sont conjuguées pour affaiblir l’Armée de Charles. Heureusement, qu’il lui restait un peu de son prestige et surtout sa folie meurtrière pour resserrer les rangs… Qu’importe, le Téméraire est mort maintenant ! Il a été piqué d’un méchant coup de lance bien ajusté dans le dos par un nobliau lorrain qui en mourra de regrets. Et les loups, mes chers loups, une fois encore nourriront la légende, en le bouffant lui aussi… ! Qu’importe le sort de ce camp ou d’un autre, ce soir, je suis d’Humeur et la lune sera haute et pleine dans des cieux, lavés de toute souillure par la froide parure de l’hiver ; ma lame sifflera joyeuse… Ben Almanet, tu avais choisi le bon camp mais cette nuit tu quitteras tes quartiers car nous devrons nous battre… Je suis là ! Tu le sais bien ! Nerveux ? Je t’attends, viens ! Porte de la Craffe… Il n’y avait que deux gardes… Je t’attends à ce même endroit où je t’ai vu tout à l’heure saluer et fêter ton René II pour sa victoire. Cette nuit, je vais le priver d’un combattant valeureux ! Nuit… Froid… Cendres et fumées… Malgré les ans et les combats au décompte impossible, je tremble… Ni de peur, ni de froid, non ! C’est l’énergie qui s’accumule… Te voilà ? Recoin d’ombre, reflet d’incendie, regrets inutiles, tu n’as pas eu le temps nécessaire pour te préparer, ton âme n’est pas assez trempée ! Dans ta mémoire, quelques silhouettes tombent fugaces, et s’estompent la tête tranchée… Tes yeux sont inquiets, comme ton esprit qui vrille, trop discret, trop distrait, craignant quelque traîtrise… Qui sait ? Je n’en ai nul besoin mais quelques unes en réserve… Frappe et taille jambe gauche, flanc droit, ventre en estoc et le cou pour finir ! Tu t’es laissé surprendre, ta garde était trop haute ! Il est trop tard pour regretter, adieu Ben Almanet ou plutôt bienvenue, ce soir je venge ce fou de Téméraire ! Au loin un loup hurla ! Dans les corps de garde, on festoyait ! Porte de la Craffe, soudain une tête roulait ! Une de plus ! ...combat organisé à 2h00 du matin, Porte de la Craffe à Nancy, un certain 3 janvier 1987 (510 ans tip top après les faits) Sous l’égide du club « les Loups du Téméraire » Cycle du Feu
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Noir Solitaire | #5 03/09/2024 - 18h01 |
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Lugdunum… en ? c’était encore la capitale des Gaules !
Récit du combat entre DAI BAKEMONO et PERCEVAL… J’ai parcouru beaucoup de chemin pour te trouver. Je sais que tu es là. Tu sais que je te traque. Tu te dis « grand chevalier » mais malgré ta bravoure et ta grandeur d’âme, tu n’égaleras jamais un fils du Mont Bleu élevé dans l’esprit du Bushidô. Ta légende a traversé les siècles et ton nom est célèbre ; le mien t’est inconnu car j’ai su passer inaperçu tel le caméléon qui chasse la mouche insouciante et sans défense. Maintenant l’heure est venue, nous sommes face à face et aucune dérobade n’est possible. Oui, Perceval, dans ta brillante armure bat un cœur comme le mien ; un cœur qui bat depuis trop longtemps et qui ne s’arrêtera vraiment que si ta tête se détache du reste de ton corps. Nous nous saluons et nous nous mettons en garde. L’esprit détaché, nous nous observons longuement, regard dans regard, nous restons ainsi figés, très longtemps, à nous maudire, puis l’espace d’un instant, à nous comprendre. Et enfin, je sens ta volonté d’attaque. Nous nous jetons à la rencontre l’un de l’autre, lames dressées ; nos énergies se percutent de plein fouet, choc titanesque, nos esprits appréciant davantage encore la subtile limite entre la vie et la mort, limite ténue, aussi fine que le fil de nos deux lames… Adieu Perceval, ce soir, ton ange gardien ne t’a pas préservé et mon tengu comme d’accoutumée ne m’a pas trompé. Ma lame tranchant, de ton sang est souillée et ta tête roule sur les pavés. Me gavant de ton énergie, je lance un long cri de jouissance et de douleur dans la nuit qui s’étoile pour moi et se constelle d’éclairs ! Ta légende restera à jamais gravée chez les mortels, mon nom te sera toujours inconnu mais une énergie désormais plus grande m’investit et ma lame tranchera de nouveau… … ! ...combat organisé lors de la NUIT DU JEU en 1988 à Lyon en présence du Conservateur des Exploits de la Loge des Veilleurs occitans et de membres des Semaines de l’Hexagone. Cycle du Feu
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Noir Solitaire | #6 03/09/2024 - 18h01 |
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Mort de Zoikoss
Récit du combat entre YEUN AR LABOUSHEOL et ZOIKOSS Aujourd’hui, 6ème jour du 8ème mois de l’an de grâce 1988, alors que j’étais de passage dans ma ville natale pour honorer les miens, je sentis la présente souillure d’un autre immortel en mes terres. Zoïkoss bientôt se présenta à moi. Ce vil chien osa me défier sur la terre de mon éveil. Nous nous retirâmes en un lieu tranquille à l’écart des foules toujours denses en cette période. Zoïkoss se présenta à moi, brandit son talisman, mien trophée désormais, une chaîne munie d’un carré de métal portant son nom et me salua d’une bordée d’injures. Je me présentai alors en ces termes : moi Yeun, récent vainqueur de la Plume Blanche et du Tork dont l’emblème est le drapeau à la tête fraîchement coupée et le talisman : la rune et le triskèle, sais que ce soir j’aurai à nouveau connu la gloire de la force. Crâne Rouge te coupera la tête. Il posa sa seconde épée et nous nous mîmes en garde. Sous un soleil de plomb, digne des Caraïbes, j’attendis serein son attaque. Perdant rapidement patience, il m’attaqua, je parai aisément. Puis, je ripostai d’un maître coup qui lui ouvrit l’échine. Dès lors le combat tourna nettement à mon avantage ? Lors du troisième engagement, j’échouai près du but lui coupant l’oreille en sa moitié et étamant son crâne. Il en ébrécha sa méchante épée sur un rocher… Je le laissai la changer. Peu de temps après et quelques passes incertaines plus tard, il rompit sa seconde lame ; je me moquais de lui alors qu’il reprenait la première. Lors de notre avant dernier assaut, il rompit encore cette lame. Que de fougue et de force inutilement gaspillées ! J’en ébréchai Crâne Rouge ; il fit alors une bien belle parade, ultime sursaut d’un combattant épuisé et glissa dans l’élan me permettant ainsi de le décapiter. Je pris la force, puis avant d’abandonner là le corps, je lui retirai son talisman par la nette section que j’avais pratiquée. ...combat privé conclu dans les années 90 (XXème siècle) quelque part en Bretagne. Cycle de l'eau
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Noir Solitaire | #7 03/09/2024 - 18h01 |
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Quelques Solstices plus tard
Récit du combat entre NOIR SOLITAIRE et les jumeaux EARTHFIRE Bourg de Saint Michel, roche saturnales. De ces deux-là, rien ne subsiste plus ! C’est étrange ! Même dans le gave impétueux de ma mémoire, là où d‘ordinaire les souvenirs se bousculent en un formidable flot , rien ne semble plus vouloir émerger de ce passé, pas si lointain que cela. Pourtant, je sais que je dois y aller ! C’est le moment ! Une fois de plus, je vais me rendre là où sont tombés les frères Earthfire ! A l’endroit où ils n’auraient jamais dû me convoquer… Je monte lentement une sente minuscule. Elle s’enroule le long de la roche en épousant ses formes érodées. Elle permet ainsi presque tendrement de se hisser sans peine tout en haut de la plus haute des « Dames ». De la main gauche, machinalement, je caresse la pierre si particulière sans avoir besoin de jamais m’appuyer malgré le dénivelé. Inutile de me hâter, rien ne se passera avant que le soleil du Solstice ne jette paresseusement ses derniers rayons sur le calcaire fatigué de cette très vieille roche. En bas, dans la proche vallée, la Meuse langoureuse aux méandres calmes semble disparaître dans la douce torpeur des ombres qui s’allongent… La vieille cité dédiée à St Michel s’endort comme elle vit à l’ordinaire : dans les volutes légers, d’une brume paisible qui se répand paresseusement dans les ruelles étroites. … Pourquoi dois-je revivre régulièrement cette scène ? Qui étaient-ils donc pour que les éléments leur accordent un tel écart avec les lois de notre survie ? Dans un instant, d’abord je sentirai la roche vibrer légèrement ; puis, je tendrai Nuit de lune vers le ciel et recevrai une légère accélération, à nulle autre pareille, comme des bulles de champagne, quand elles semblent se hâter, mais avec lenteur, vers la surface du breuvage… C’est un sentiment trouble ! D’ordinaire l’accélération est violente, presque douloureuse, comme la mort physique que j’ai tant de fois ressentie. Là, il s’agit d’une sorte de caresse, d’un souffle bénéfique qui fait chatoyer tout mon être. Rien ne me semble comparable… Sauf peut-être, le bien-être que l’on ressent, parfois, quand, gavé de fruits et de soleil, on parvient à s’endormir vraiment face au large sur une plage des Tropiques… Mais d’abord me souvenir… « Insignifiants », c’est le qualificatif le plus pertinent qui convienne pour me les remémorer lors de notre rencontre. Je ne les avais d’ailleurs même pas clairement identifiés. Ils venaient de s’asseoir à la table juste à côté. Quand leur regard a croisé le mien qui errait, tranquille sur la tablée voisine, un groupe de militaires du 151° R.I, j’ai su que le soir même je devrais combattre. Sans émotion particulière, cette évidence s’est imposée. Je n’étais même pas étonné… On aurait dit 2 adolescents qui s’apprêtent à faire une bêtise. Dommage, la soirée était agréable en ce début d’été. J’étais venu là pour boire un vin de Moselle et regarder le soleil se coucher tranquillement sur ce fleuve, endormeur et doux. J’ai haussé les épaules quand ils sont montés et je les ai suivis. Quelle dérision ! Choisir de mourir un tel jour, un tel endroit. … Le souvenir de ce combat déferle soudain en moi ! Comme un flot tumultueux trop longtemps contenu… Deux, ils étaient deux et bien que jeunes, l’expérience m’a appris, parfois cruellement, à ne jamais mépriser l’adversaire. Leurs épées étaient vulgaires, presque neuves, je n’avais nul goût à en tâter le fil. De toute manière, je n’avais pas le choix, ils manoeuvraient pour se placer de chaque côté. Mais l’étroitesse du lieu me permettait de parer aisément ce genre de manœuvre. Par contre pour placer une frappe au cou en franchissant deux lames, juvéniles mais déterminées… ? Heureusement, ils étaient lents, de cette lenteur laborieuse acquise dans les salles d’armes occidentales à croiser le fer contre des veaux ! L’attaque, leur attaque est partie simultanément : banderille flanc depuis un chemin vertical à parer en quinte à deux mains. C’est venu tout seul… Un pas en avant accroupi légèrement désaxé en dextre, au lieu de parer j’ai frappé une glotte offerte à ma droite presque avec ma garde… Les corps me dépassent, emportés par leur élan, je me redresse, tourbillon l’autre tête roule, il n’a pas dû comprendre ce qui lui arrivait ni voir son frère tomber à ses côtés… Le temps s’est arrêté ! Tout était figé ! Pourquoi ? Pourquoi l’accélération n’est-elle pas arrivée ? Les corps au sol, de mes deux adversaires ont paru d’abord onduler, puis vibrer très doucement et je les ai vu disparaître comme absorbés par la roche… … Longtemps … Très longtemps après ces événements … Plusieurs vies plus tard et plusieurs combats aussi … L’homme est… rugueux ! Mal rasé, fatigué, pauvre mais fier de son travail. C’est un paysan qui, de par son âge, n’a pas été mobilisé pour cette guerre dont on dit qu’elle fut la 1° Mondiale. Ses fils, peut-être, sont au front ? Il regarde entrer les 2 militaires, un officier et son ordonnance, avec cet air las de ceux qui ont tout donné dans une trop longue journée de travail. L’officier a l’air sévère d’un … officier dont l’armée est en guerre. L’ordonnance calme mais servile, dégage la chaise que le paysan a montré d’un geste d’invite de la tête. L’officier questionne un peu… l’homme répond calmement en dodelinant de la tête. Mais l’interrogatoire prend soudain une tournure inattendue… On voit le paysan se redresser sur sa chaise et son regard retrouver de la vigueur. De son côté, l’Officier se raidit et fait signe à son ordonnance de bien tout noter… « - Ah ça pour sûr, Monsieur l’Officier, vous l’avez manqué ! L’homme en noir est bien venu… hier soir, le Solstice c’était hier ! ma grand-mère m’avait annoncé sa venue mais je ne savais pas en quelle année, il viendrait… Il est apparu vers 22h00 juste après ma dernière visite aux bêtes, le soleil se couchait derrière les saules là-bas, l’ombre était presque à l’abreuvoir de droite… Même que tout était orange avec ce soleil rasant, surtout les Roches. Les « Dames » avaient mis leurs beaux atours, elles devaient s’douter d’quelque chose… J’ai été un peu surpris quand il a posé sa main gantée sur mon épaule, mais guère plus qu’ça en fait. On aurait cru qu’il était… sorti de l’ombre. L’a rien dit, j’lui ai ouvert la porte de derrière et il est monté. On a beau savoir qu’il viendra et c’qui va s’passer mais ça vous secoue quand même… Il y a eu des éclairs, mais sans tonnerre, pourtant le ciel était clair ? En même temps, le haut des Dames qui était encore éclairé par l’soleil est devenu tout rouge, presque brillant. On l’a vu qui tournait lentement sur lui même à quelqu’centimètres du bord, c’est pas prudent, avec sa grande épée pointée vers le ciel. Ça a pas duré… pas très longtemps, et puis le rouge s’est assombri et tout est devenu sombre, très sombre, presque noir, mais y’faisait pas nuit j’vous jure. Il a disparu. J’ai eu comme un frisson ! … et alors ? Ben, j’crois bien qu’il savait que vous viendriez. Parce qu’il est réapparu aussitôt après à la porte. Il m’a tendu cette pièce et il m’a dit : « Tu lui donneras ! ». J’crois que c’est pour vous ! De toutes façons, je peux pas la garder, c’est pas une pièce de notre gouvernement ! L’homme tend alors à l’Officier, une grosse pièce en or. Sur la face, il y a l’effigie de Napoléon III avec sa barbiche, une belle pièce comme on en frappait au siècle passé… L’Officier hausse le sourcil, il ne comprend pas. R’gardez d’l’aut’coté ! La solution est effectivement de l’autre côté. Il y a une inscription à la place de la valeur nominale « Donec Moveantur ». L’Officier a compris ! Il regarde le paysan d’un air mauvais, puis soudain presque sans raison lui sourit ! - Tiens ! dit-il en lui tendant une autre pièce, une vraie cette fois, « tu l’as bien méritée ! Quand il reviendra… ? Dis à ton fils ainé…de lui transmettre ceci : « Hugues Dorian de Yesterlak y sera ! ». ...combat privé daté du Solstice d’été 1992… en présence de plusieurs Chevaliers des Ducs de Bar. Cycle des Cendres
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Noir Solitaire | #8 20/09/2024 - 21h39 |
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Au cœur de la fournaise: Ming Li Woo et Noir Solitaire. « 1820 » Acte I
Provence, terre de contraste – Camaïeu de vert et noir sur les monts incertains écrasés sous juillet – Fragrances bleu et ocre pour la côte qui vacille sous l’avide mistral lorsque ce vent par contentement rugit de mas en clochers – Le Lac de Sainte Croix plusieurs centaines de mètres plus bas paraît bien calme, avec ses eaux couleur émeraude. Depuis le belvédère de Moustier, juste à l’instant de mon envol pour un long plané en solo, c’est un souvenir brutal qui m’assaille … comme une vieille rancœur, quelque chose que l’on a manqué mais auquel on a survécu. C’était il y a, 200 ans plus ou moins exactement ! Ming Li Woo… celui qui parle aux éléments ! Mon âme rugit de haine, brièvement, au souvenir maudit de cet être méprisable. Nous allions sur une mauvaise sente au rythme lent mais assuré de nos bonnes montures. L’humeur était tranquille, et le moral au beau. La troupe marchait sur Bargemon passant par les hauts, entre un bourg chevrier nommé Claviers et le village de Callas. Nous venions de Brignoles depuis Roca-Bruna pour répondre à l’appel d’un baron. Le bougre tentait de liquider une méchante bande de coupe bourses qui rançonnaient les voyageurs et ruinaient ses féaux. La France d’alors, exsangue, était encore en partie occupée de troupes étrangères. Il ne faisait pas bon avoir été un fidèle, un grognard, soldat de l’Empereur … mais la Provence est loin des terres de pouvoir… la Gendarmerie était plus occupée à surveiller le bagne à Toulon qu’à se soucier de quelques malandrins... J’avais donc rejoint une troupe d’hommes comme moi, anciens Dragons, et nous vivions de notre art dans le souvenir d’un Empereur à nul autre pareil, quoique… si j’avais pu leur dire qui était Carolus le Magne alors ? J’allais en tête avec Daï Bakemono monté sur Kikusiu, un magnifique étalon arabe, pas tout à fait dressé qu’il venait d’acquérir et dont il faisait grand cas. L’heure de la figue était largement passée lorsque nous descendîmes vers les gorges. Il ne restait plus ensuite, qu’une dernière montée pour atteindre la maison forte de notre hôte, bientôt notre employeur. Daï Bakemono avait l’habitude d’honorer les coutumes de son pays natal en baptisant les heures du nom d’un animal ou d’une plante. Cette manie nous amusait tous. Elle allait sauver la vie de plusieurs de mes compagnons et la mienne également. Il était donc vers les 18h00 puisque les figuiers bordant notre route exhalaient leur puissante odeur si caractéristique. La conversation tournait en boucle depuis notre départ. Daï Bakemono était perplexe, il était Bushi de la noble tradition japonaise et ne parvenait pas à saisir ce qui m’animait, la rage de survivre qui s’emparait de moi à chaque combat. To be or not to be ? Est-ce bien là toute ta question ? Non, ce serait plutôt ETRE OU N’ETRE RIEN… Je pense mon ami que tu es dans l’erreur, je crois plutôt que tu estimes ne pas avoir peur de la mort puisque tu n’es pas né ? Peut-être ? C’est ainsi… Cela comporte quelques inconvénients ! Certes, il ne fait pas bon ignorer ses origines… Non, ce n’est pas cela. Mourir n’est pas un problème, cela nous est arrivé tant de fois. Mes origines m’importent moins que ma première nourriture. Il est simplement inenvisageable que quiconque me « mange ». Tu fais référence à la Bête qui sommeille en toi, mais c’est une pure construction de ton esprit. Tu ne peux rien bâtir sur une telle incertitude ! Je suis un Guerrier et je me bats par Honneur et Esthétisme, je ne pourrai affronter le moindre vaurien sans cette certitude… Eh bien moi, je ne sais pas qui j’aurai pu être et d’où je viens mais ce que je suis devenu me suffit. Je n’ai nulle envie de devenir quiconque autre un jour, c’est très bien ainsi. Tu suis une voie dang… Tirée par un archer en partie masqué par un gros rocher, la flèche alla se ficher rudement dans l’épaule de Daï Bakemono qui manqua d’être désarçonné pour le compte. Elle fut suivie de plusieurs autres dont certaines frappèrent des compagnons derrière moi. Apparemment 3 tireurs, impossible de nous déployer, la sente était étroite et les fourrés alentours fort denses. Demi-tour vite, embuscade ! Ma monture couchée à terre, je pus saisir mon fusil hors de son étui et tirai un coup en direction des assaillants. Daï Bakemono avait fait de même mais tentait d’arracher le projectile qui allait le gêner pour la suite de cette affaire. Tout en grimaçant, il me dit : Tu as ressenti la présence ? Un des nôtres, il est hostile est très proche. . Je n’avais pas la même aisance que Daï Bakemono dans l’art subtil de l’haragei mais suffisamment pour être troublé par ce que je ressentais : C’est un faible, sa présence est intermittente. On croirait le flux et le reflux d’une marée de solstice… Il en veut à qui à ton avis ? A toi, je crois… mais la règle n’est pas respectée Qu’importe fonçons ! Non, c’est un piège, fonce si tu veux mais fais le seul. Je reste avec nos hommes, plusieurs sont blessés. Avec le combat, nous retrouvions nos réflexes de soldats aguerris par près de 15 ans de campagnes ininterrompues, un peu partout en Europe. L’Art ou la Manière ? A chacun sa manière, la solitude est, pour moi, une vieille amie ; alors que Daï, lui, réagissait au sein du groupe. Je fonçais donc, l’épée dressée à l’épaule. Rendez-vous à Bargemon ou en enfer ! Ce n’était que pure forfanterie de ma part plutôt destinée à effrayer des adversaires moins déterminés. Quelques mètres plus loin, je ne trouvai que le vide… Nos tireurs avaient décampé. Daï ? Oui ! Ils sont partis, et IL s’éloigne… Je sais, tu sens cette odeur ? … ??? … Le feu, milles tranchants ! Un feu ? Dans ce maquis sec comme un vieux grenier !!! Très vite, il devint évident que nous étions piégés. L’incendie avait été allumé depuis le bas de la pente, il s’étendait rapidement à cause d’un début de mistral qui augurait très mal de notre avenir proche. Je revins rapidement auprès du groupe. Daï Bakemono était déjà en selle et tenait mon cheval par la bride malgré la douleur qui devait lui irradier l’épaule. Déjà les premières flammèches commençaient à tomber autour de nous excitant bêtes et hommes. - Merci… Allez, fonçons ! je passe devant, ferme la marche ! J’étais donc en queue de peloton. Certes, il fallait fuir, rebrousser chemin, mais cela nous maintenait sous le vent avec le feu à nos trousses… ou bien foncer vers Callas en espérant être plus rapide que le front des flammes… Les autres galopaient serrés, l’un derrière l’autre, plein sud. J’eus soudain le sentiment d’un nouveau piège. Je choisis de filer sur la droite à la première intersection, va pour Callas… Et bonne chance mes amis. Fichu pressentiment et ça ne faisait que commencer. C’est au grand galop que je débouchai soudain dans une petite clairière où tourbillonnaient quelques brebis affolées. Pour mon cheval, la course éperdue s’arrêta net… contre une souche qu’il ne pût éviter. Quand je revins à moi, bien sonné mais indemne, tout alentour n’était plus que fournaise ! Flèches, fumées, flammèches et maintenant fournaise … Qu’avais-je donc dit, il y a peu à Daï ? « qu’importe de mourir… ». Oui, mais pas le feu, pas par LE FEU ! Je me souvenais d’autres foyers, des bûchers en d’autres époques terribles et des hurlements d’agonie d’un de mes semblables, un templier maudit par un roi. Ce roi dont la cupidité tenait lieu de sens politique… L’affolement me gagnait moi aussi comme une bête, moi d’ordinaire si froid . Ma pauvre monture hennissait de frayeur à quelques pas, incapable de se remettre sur pied, l’antérieur droit fracassé, sa belle crinière baie déjà largement roussie. Je sentis la rage m’envahir… Non, le feu ne me mangerait pas ! Un dernier instant de lucidité, j’achevais ma monture en lui tranchant le crâne, puis ce fût la fuite éperdue. Je brûlais, je hurlais, je ne sais, mais j’en en oubliais presque de souffrir. La course est le meilleur allié possible dans la lutte éternelle de l’homme contre sa peur. En fait, je ne sentais plus rien, même plus l’étrange présence, Sa Présence, la lutte millénaire venait de s’effacer d’un coup devant une autre réalité. Je n’en menais pas large. J’étais redevenu la Bête dont je vantais les mérites à Daï, il y a peu. J’étais La Bête, celle qui ne connaît qu’une issue : la fuite éperdue !. J’arrivai enfin dans un espace dégagé sur une corniche de quelques mètres à peine débroussaillée, le brasier collé à mes chausses et mon paletot en feu. Tout au fond de la gorge, une bonne vingtaine de mètres en contrebas, il me sembla voir une sorte de canyon avec un trou d’eau bordé de figuiers. Désespéré, je sautais ! Le choc fût terrible ! J’ai dû perdre connaissance une nouvelle fois. La mort n’est rien, c’est revivre qui est terrifiant. Vous ne sentiez rien, vous n’étiez rien… Et alors tout recommence, à commencer par la douleur. La douleur de l’eau qui envahit vos poumons est prégnante au-delà de tout ce que j’ai déjà pu subir. Puis vint la morsure de cette eau glacée qui tentait de me retenir au fond dans les profondeurs obscures de cette faille… Sans vraiment m’en rendre compte, je remontais et échouais sur l’étroite grève de graviers d’une vasque de porphyre rouge. Nuit de Lune dans ma main gauche me tenait lieu de seul vêtement si l’on excepte les quelques morceaux de cuir noirci et fumant qui couvraient encore mes pieds ainsi qu’un reste de baudrier. Tout ce qui était toile avait brûlé et mon corps n’était guère plus qu’une vaste croûte noircie. 20 mètres plus haut l’incendie faisait rage dévorant hommes, bêtes et végétaux mais je m’en moquais, j’étais vivant… Que c’est donc bon ! Je ne sais combien de temps je passais ainsi, affalé sur la roche, avant que la cicatrisation s’accomplisse ? Je mis aussi un peu de temps avant de me rendre compte du froid étonnant qui m’environnait. J’avais faim ! Un courant d’air glacé venant de l’aval semblait remonter vers le haut des Gorges chassant fort opportunément les lourdes volutes de fumée qui obscurcissaient à tel point le ciel que le soleil m’en devenait invisible. Je cherchais et trouvais plusieurs cadavres d’animaux moins chanceux que moi, qui pour échapper aux flammes avaient préféré se jeter dans le vide. J’avais faim et la Bête en moi est prompte à revenir. Je mis peu de temps à désosser un cuissot de sanglier qui fit l’affaire, cru, saignant, enfin « bleu» plutôt… La vie revenait et avec elle l’envie pressante de retrouver mes compagnons et aussi de me venger de ce que je venais de subir. Je recherchai la Présence et la sentis plus haut. Quelque chose en moi me poussa à rompre le contact et à fermer mon esprit. Grand bien m’en prit. …plus haut, il y avait une chapelle, sur un promontoire que les flammes entouraient, où des gens s’étaient réfugiés. IL devait être là avec ses hommes et détroussait les malheureux. Je fonçai, prenant avantage du ronflement de l'incendie qui couvrait ma charge. 1, 2 puis 3 malandrins tombèrent tranchés avant que les autres ne prennent conscience de la menace, un tir de pistolet, un deuxième, les balles qui sifflent non loin, puis un carreau d'arbalète, celui là fit mal au niveau de la hanche. Insuffisant pour m'arrêter, les tireurs malheureux tombèrent avant de pouvoir fuir. Des 4 autres, un parvint à fuir les 3 autres furent étripés par les paysans à qui j'avais redonné du courage. Le prêtre s'était jeté à genoux et hurlait je ne sais quel prière. Je ressentis alors un grand vide, la haine soudain tombée, j'eus la certitude qu'IL était parti avant de remarquer le cercle des natifs hurlant leur joie, qui m'applaudissaient, quel spectacle : Moi nu, noir de suie, l'épée à la main droite, les femmes qui tentaient de me baiser l'autre main, les hommes qui se congratulaient, le prêtre terrifié qui psalmodiait les yeux fermés et l'incendie autour faisant rage qui nous envoyait des vagues de chaleur terrifiantes. Tous se réfugièrent dans la chapelle, je m'éclipsais dès que je le pus après avoir récupéré sur l'un des morts un manteau pas trop sali. Il parait que depuis ce jour maudit, chaque solstice d'été, une bougie brûle toute la nuit sur l'autel de cette pauvre chapelle pour honorer l'étranger surgi des flammes qui sauva la population du démon :-) s'il avait su ce brave prêtre qui nous étions... Intermède Bribes de souvenirs fugaces… Quelques jours plus tard, quelques lieues plus au Sud Bleus, gris, un peu de vert, la mer est toute de nuances dans la brume maritime. Le soleil matinal joue les chefs d’orchestre dans ce joyeux camaïeu de chatoiements. Chahutés reflets qui offusquent les paresseuses ondulations de la Grande Bleue, à quelques pieds de là, sous ma cachette en canopée. Au lointain, l’écharpe laiteuse d’un paresseux stratus s’enroule sans entrain sur une crête de porphyre rouge au sommet de l’Esterel. L’air est déjà doux dans une journée qui sera torride. Midi, un marin passe non loin, en goguette, sa catin à la main, nul ne me vit. Blotti au plus haut dans un pin maritime, non loin du Cap, juste en deçà du sentier douanier ; l’entrelacs des bras rugueux de cet arbre plusieurs fois centenaire me fait un repaire idéal. Ombre et fournaise, reflets et souvenirs, j’essaie d’appréhender les dernières 48h, l’embuscade près de Bargemon, la fuite, le grand incendie et cette maléfique présence, la certitude pour Daï Bakemono que c’était moi la cible, alors pourquoi les massacres de paysans, pourquoi les pillages ? Je n’ai rattrapé et exécuté que quelques séides, je n’ai pas peur, pourquoi ai-je fuit finalement ? J’étais maître du terrain. Maître, mais impuissant devant le feu. Ma mémoire erre un instant, aux souvenirs lointains d’un passé révolu. La menace est toujours là, non loin, à trépigner de rage dans les volutes épais du Grand Incendie. Qui est-il ? Pourquoi moi et pas Daï ? Comment nous a-t’il repéré ? Une fois de plus tel le roseau, je vais m'éclipser et quitter ce pays qui n’est plus mien pour quelque temps. J’entends le marin conter sa vie à sa mie, il va partir sur le Bellérophon pour les Confins, en Extrême Orient. Parfait, j’en serai. combat manqué, été 1994, à l'occasion d'un GN réalisé par le groupe du DRAGON DRACENOIS, près de la chapelle de Pennafort. L'adversaire ne s'est pas présenté.
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Noir Solitaire | #9 20/09/2024 - 21h40 |
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SOUS LE REGARD DE CORTO…
Le Centre Pompidou… un après-midi bien calme fin du XXème… Exposition sur la Bd… 9ème Art… 9ème sous-sol ! Soudain au détour d’une galerie, mon œil accroche une aquarelle… Il a suffi du regard énigmatique d’un marin de dessin et celui, narquois, de son inquiétant compagnon ! Me voici comme happé par les souvenirs… 1919, terrible période ! Excellente année pour la mort par contre ! Me voilà bousculé en cet instant de si rare et tranquille oisiveté dans lequel je dérivais insouciant… pour une fois ! Pratt ! Fieffé rêveur, sacré menteur ! Maudit bavard mais bon baroudeur ! Je t’ai connu, tu m’as ignoré ! Toutes tes histoires n’y pourront rien changer, mais l’amiral Kolchak, son or, le train blindé et le baron Von Ungern Sternberg ont existé, pas comme tu les as contés… Gare aux souvenirs ! D’abord, le Froid ! Omniprésent, il s’infiltre partout. Même dans les méandres étroits de ma mémoire. L’air est sibérien dans cette immense plaine blanche de Mongolie. Je n’en avais cure alors ! Et pourtant, je puis encore en sentir comme la terrible morsure. J’y étais ! J’ai toujours eu un penchant pour les causes perdues… et la folie ! Celle du Baron Ungern valait elle mieux que celle du Téméraire en 1477 ? je ne sais, mais j’étais presque heureux au sein de son unité de cavalerie… Avec le Froid, il y a le train blindé, la petite bourgade qui ploie sous une croûte de glace et les odeurs rances des tripots, les écuries et nos quartiers enfumés. Nombre des miens festoyaient ce soir-là pour oublier, comme chaque soir, l’angoisse des batailles à venir. Moi, j’étais « de permanence de matin» et j’arpentais silencieux avec deux ordonnances dans mon ombre, l’unique quai de la piteuse gare dans une ronde, plutôt symbolique. Nuit de Lune était dans son fourreau, portée à l’épaule droite, bien au chaud sous l’épaisse fourrure que je ne quittais guère. J’avais bien senti les jours précédents comme une présence lointaine qui se rapprochait… Il y avait aussi les rumeurs de l’avancée des Rouges, deux divisions venaient à notre rencontre, quel honneur ! En montant sur le bastingage de canonnière, j’ai perçu l’aube incertaine qui pointait dans le lointain grisé sur la bordure montagneuse, vers l’Est ; et en même temps, dans mon dos, j’ai cru le sentir tout proche. J’ai sursauté et Piotr en a dégainé son arme de service tous les sens en alerte. « C’est bon, ce n’est rien ! Juste une vieille douleur qui se réveille de temps en temps ! Allez vous reposer, je vais rester ici encore un peu pour réfléchir et fumer une pipe ». Ils se sont éloignés, reconnaissants, sans se douter que nous ne nous verrions plus. Demain au rapport, Ungern aura perdu un officier, un de plus mais dans mon cas, ce ne sera pas une trahison. Après-demain, ils seront tous morts… au combat ou exécutés ! Mais je ne le savais pas alors. Qu’en bien même ? Qu’aurai-je pu y faire ? A chacun son destin ! Le mien est de survivre, or celui qui arrivait était un monstre ! Il vient… Il est avec les Rouges, il progresse rapidement dans notre direction. Je le sens, puissant, pesant, velu, le bras et le pas déterminés. Je l’ai déjà connu, en un autre temps, un autre lieu… Il était là à Parthenay quand d’Eurygies, j’ai dû prendre la force. C’est lui, il se fait appeler le Rédempteur désormais ! Et face à cette masse de cruauté, de certitudes absconses, je n’existe quasiment pas. Mais il est inutile de tenter de fuir, il me recherche et me rejoindra. Je vais donner une chance au Baron en privant, peut-être, les Rouges, de ce combattant terrible. Vous ai-je parlé du train blindé ? Je sais bien que non. Que vient-il faire dans cette histoire ? C’est la pièce maîtresse, il en est le pivot, c’est lui qui m’a inspiré ! Merveilleuse machine de destruction que ce train, insensible à toute émotion… comme le Rédempteur ! Puissant et pesant, au pas cadencé, à la course lente mais inexorable et pourtant terriblement prévisible… comme le Rédempteur ! Devant, derrière, à côté, tout autour et même loin autour, lorsque d’un ordre, nous déclenchions le feu, tout n’était plus que désolation mais certains en réchappaient… On peut échapper à la mort si on réfléchit… Les rails, voilà la faiblesse du train ! Il a besoin des rails pour le conduire à sa proie. Et si le rail disparaît le train n’est plus rien qu’une masse de métal inutile… Quelle est la force du Rédempteur ? Cela même qui fait sa puissance depuis des siècles ! Il nous perçoit, il nous repère de très loin grâce à un don mental particulier tellement plus puissant que le mien mais de même nature ! Merlin… Oui vous avez bien lu ! Merlin l’Enchanteur, aurait dit un jour, ou peut-être une nuit, à l’un de ses élèves : « si la Magie te devient béquille, jette là ! »… Moi, j’ai vu le Rédempteur combattre ! Je l’ai vu combattre et j’ai survécu. Il a tué Ken Yoko à Parthenay et par bravade il l’a tué en combattant… les yeux fermés ! Demain, je tirerai parti peut être, de cette force, demain je le priverai de sa béquille… Et maintenant courir ! Courir, vers mon destin, courir des heures durant dans le Grand Froid, dans la steppe, courir pour redevenir un animal, celui que j’étais autrefois ! Et oublier, aussi ! Oublier l’Homme, oublier l’officier des causes perdues, oublier le passé et le futur, oublier les allégeances, les haines et les amitiés, oublier pour ressentir les éléments, redevenir insignifiant dans le vent, face au temps intransigeant ! … Voici que reviennent les sensations primaires, l’envie d’uriner, le besoin de mordre, de suer, de me joindre aux loups et de me repaître de chair fraîche, saignante. Je suis l’Animal des Temps de Sauvagerie qui m’ont vu naître. Je ne savais pas qui j’étais, où j’allais, ni lire, ni compter, ni même que l’Humanité existait. JE VEUX VIVRE ! Alors je vais combattre et vaincre un adversaire qui prétend me traquer ! Puis, j’irais au Japon rejoindre Daï Bakemono mon frère d’infortune, lui aussi m’appelle. … Voilà ! J’ai atteint le lieu de rendez-vous le premier. J’ai la tête en feu, les scènes de bataille défilent en tous sens dans ma mémoire… Nous sommes dans une sorte de cirque montagneux traversé par un torrent gelé et sur la pente sud subsiste un reste de forêt de résineux très espacés, une sorte d’enclos dans le lequel les Rouges ont rassemblé leur bétail, tout ce qu’ils ont pu voler aux malheureux moujiks qu’ils sont censés protéger… Je perçois aussi la présence d’une petite meute de loups attirée par l’odeur. Lui aussi m’a perçu, il arrive… Vite, le corral, ouvrir une brèche à l’opposé et appeler mes frères ! J’EN APPELLE A LA MEUTE, j’en appelle à la Bête, venez mes frères et festoyons ! … Et maintenant ne plus penser, il perçoit mes pensées, mais dans ce corral au milieu des bêtes qui commencent à s’affoler, il ne peut me percevoir que faiblement, très faiblement car je ne suis plus qu’une âme apeurée au milieu d’autres… Il accourt presque joyeux pour l’hallali. Le voici qui entre à son tour alors que le bétail tente de fuir en tous sens ! Le carnage peut commencer ! Lui-même commence à tuer, agacé par toute cette agitation, afin de progresser à contre-courant sans se soucier des hurlements des bergers qui ne comprennent rien à tout cela. Le sang coule et les bêtes s’affolent encore plus et mes compagnons commencent leur ripaille… Déchiqueter, broyer, égorger, quel bonheur, je laisse un temps couler en moi toute cette férocité ; ainsi je deviens invisible, à l’aune de toute cette sauvagerie. Mmmh, se gorger de sensations primitives, si fortes et l’odeur du sang qui affole mes narines. J’en salive abondamment ! J’ai faim ! Le voilà, il s’est dégagé et me cherche… Trop tard ! Un court instant, le temps s’est arrêté. Je ne suis que néant, je suis dans ton ombre, l’ombre de la bête que j’ai réveillé, l’ombre du loup dont je me suis nourri à l’aube de ma vie ! Et c’est bien une bête, qui bondit dans son dos, sans pensées, sans haine, avec pour volonté le besoin insatiable de se nourrir. Dans un ciel sans nuage, Noir Solitaire a lancé Nuit de Lune ! Le Rédempteur s’est à peine retourné et l’épée a chanté car la lune était haute ! Le son terrifiant de cette lame unique retentit à nouveau ; il a balayé d’une peur insondable tout ce qui portait âme en cette bourgade, oubliée par l’Histoire. Chante ma lame, hante les mémoires et tranche ! Oh oui, tranche et donne moi l’énergie ! De sa tête qui roule, je perçois l’étonnement. Mais l’accélération arrive aussitôt alors que tout semble fuir autour de nous à reculons ! Ah, ça fait mal et c’est bon à la fois… Seuls les loups surpris dans leur festin, hésitent un instant, avant de reprendre leurs agapes. Avec leur sagesse de simple carnassier, ils savent que le pire fauve est sans danger, s’il est repu. Daï Bakemono, mon ami, je vais pouvoir te rejoindre ! As-tu perçu du plus profond de tes méditations, ce qui vient à l’instant de disparaître ou crains-tu toujours pour ma vie ? Le bétail s’est enfui, les bergers poursuivent leurs brebis, mais voici qu’accourent les soldats… Je voudrai rester encore un peu, me coucher dans la neige, sentir le froid et l’humidité de la terre, mais je dois m’en aller vite ou sinon gare aux balles qui ne me tueraient point mais c’est désagréable ! Avant de quitter cet endroit misérable, je me penche sur la dépouille de celui que je craignais plus que tout. Ecartant le revers de son uniforme, je tire sur la chaîne d’argent et récupère le trophée qu’il porte toujours au cou depuis les temps anciens alors qu’on l’appelait : KURGAN ! … février 1995, aux sports d’hiver dans une station très connue du Grenoblois. ILS se sont donné RV dans le manège d’une écurie désaffectée, 2 Immortels et leurs 2 témoins. Cycle des Cendres
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Noir Solitaire | #10 12/10/2024 - 15h51 |
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ERRANCES MALOUINES (1933)
A nouveau, mon humeur vagabondait, nonchalante, sur les sentes incertaines d’exploits passés… Etais je moi-même, l’acteur de ces événements ? Ou tout cela n’était il qu’un avatar, l’ombre portée par les souvenirs d’un de mes nombreux adversaires absorbés ? J’hésitais : Prendre la mer me tentait, mais les armateurs devenaient rares, les courses lointaines plus incertaines que lucratives. La Der des Der s’était achevée, 15 ans déjà, elle laissait place, pourtant, à de nouvelles menaces mondiales… Traverser l’océan peut être ? Et rejoindre les Amériques, on y faisait fortune dit on, dans le Texas ou au Mexique. Quelque chose m’y appelait faiblement mais ça pouvait attendre. Le Grand Nord alors ? Le lac Baïkal ..? Bah, bien pour se ressourcer mais pas grand chose à faire non plus… Laissant un instant de côté le cours de mes songeries, je sentis en arpentant la grève, l’air marin se réchauffer. Des embruns tièdes portés par une brise océanique soutenue me caressaient maintenant le visage. Le ressac se renforçait doucement, la marée serait bientôt haute. Tout concourrait à bercer cette pensive errance d’une quiète nonchalance. A l’opposé, mon corps, bouillonnant, exultant encore de la longue promenade sur le Sillon que je m’étais octroyée. Je fis une courte pause en face du Fort du Petit Bey pour mieux humer l’air du grand large et apprécier le rythme lent de la houle océanique, elle est parfois très forte dans la passe. J’aime sentir sa puissance tranquille imprégner mes sens pour ensuite calquer mon pas sur son rythme. Quelques puissantes enjambées m’amenèrent en haut des remparts que je longeais, accompagné des inévitables et braillards goélands. La redescente se fit par un discret escalier de pierres usées, vers la porte principale de la ville, jusqu’à l’angle formé par les Cordeliers et la Place du poids du Roy. J’aime à me glisser ainsi dans l’anonymat de la ville comme on entre dans l’ombre pour traverser la légende des siècles. Le lieu m’apparaissait hors du temps mais non sans rythme. Il fleurait l’aventure marine et aussi, la sueur des journaliers s’y activant. On y côtoyait des marins rudes à l’accent étranger mais aussi, amusants, de gras et velus négociants affichant leur opulence pour se donner de la respectabilité. En arrière plan, quelques maitres artisans houspillaient de maigres arpettes qui s’activaient pourtant ; autant de situations incongrues, cocasses ou inquiétantes que la vision large du fauve repu peut en brasser en un instant. De mon poste, calé contre les pierres du mur d’enceinte, je percevais les incessants assauts de la grande marée. L’océan enserrait maintenant la ville dans une étreinte puissante qui faisait bruire les murs de sourds et lointains coups de boutoirs. L’air était devenu moite ; la populace déjà, se faisait moins dense ; le soleil presque couchant, voilé bientôt d’inquiétants nuages, laissa place soudain à une nuée hurlante qui se rua sur la Cité déjà assiégée par des flots rugissants. Nuit, pluie et fureur sont mes compagnes d’aventure, je sus en un instant que la longue attente me tenant engourdi depuis trois lustres, venait de prendre fin… Un combat s’annonçait, incertain comme toujours, peut être le dernier ? Cela me laissait pourtant indifférent. Etrange cette propension à accepter l’emballement du destin ? Quelque chose approchait, redoutable sans aucun doute, quelque chose pourtant qui se donnait bien du mal pour m’impressionner. Je remontais alors sur les remparts et m’abritais dans une échauguette, haut placée, à l’angle de la tour Bidouane. Depuis l’affaire contre les jumeaux Earthfire, sur la roche saturnale dans la cité de Saint Michel, je pouvais communier avec la roche. C’est souvent hasardeux, parfois dangereux, mais ici au sein de cette ville millénaire que j’ai vu croître, la chose me sembla plus aisée, j’y étais bien, presque un chez moi, même s’il n’existe pas. Il me fallut plonger profond dans la mémoire des pierres, loin, très loin dans le temps, pour y retrouver trace d’une vieille malédiction… Ce n’était pas ce que je cherchais mais j’y trouvais une force supplémentaire. Au présent, l’éternité apparaît comme un film accéléré, je restais surpris par l’énergie que la terre me communiquait, pourquoi, pourquoi moi ? Pour l’heure je préférais laisser ces questions tapies dans un repli du temps, réfléchir plus tard quand j’en aurai loisir ! Qu’importe la cause n’est ce pas, quand l’aventure se file sous vos pas ? Je sentais, puissante la fureur de vivre qui revenait et me levait déterminé à en découdre, là de suite ! A moi l’inconfort, l’incertitude et la sauvagerie de la lutte pour survivre ! Au fond de ma Mémoire, les âmes de tous ceux que j’avais absorbé dans de brèves victoires rugissaient d’impatience. J’avais de nouveau peur, et le besoin de respirer, de suer, de griffer, Nuit de Lune surgit à ma main senestre ! Va pour bâbord amures, je me dirigeais déterminé tous sens déployés vers le port, en face, de l’autre côté de l’Anse des Sablons, là où le contact aurait lieu. Mais que faisais je donc là ? Me ruer ainsi vers un danger inconnu… Ce n’est pas moi, cela ? La pluie redoublait et mon paletot d’épais en devint lourd, un instant je pensais m’en débarrasser ; la chaussée par laquelle mes pas me menaient, était déserte. Le large tricorne qui, cette après midi encore, me donnait fière allure de quartier maître, ne me protégeait plus du déluge. Plus j’avançais, plus une espèce de froid brouillard semblait monter de la baie. Irréaliste ! Du brouillard par un tel temps, avec ce vent, cette pluie… Un rêve ? Même pas, transi j’étais, mais bouillant d’excitation. Les flots ne m’effrayaient plus, embrassant d’un regard l’escalier glissant, je descendis vers l’estran. La marée commençait à refluer. Je m’arrêtais à mi pente, étourdi par le concert de filins, drisses et bouts, de bois torturés qui gémissaient, de coques qui s’entrechoquaient. Dans ce tohu-bohu, c’est l’Ankhou des légendes qui chevauchait le vent avec moi. Qui aurait eu l’idée de se pencher à la fenêtre et scruter les ténèbres ? A l’instant, arrêt sur image, la pensée se figea dans une sensation de froid glacial. Elle me saisit à la cheville, gauche. « Elle » ? Un réflexe, l’épée qui frappe et tranche. Une autre prise, bride glaciale, on me tire vers le bas des marches, je frappe encore et encore mais trop lentement, le temps lui même semble ralentir, des tentacules sortent de la mer et ondulent vers le combattant qui glisse finalement dans l’escalier, s’abat deux marches plus bas, se redresse, frappe encore de taille toujours et tranche… du liquide blanchâtre jaillit en tous sens en longs jets saccadés, comme si chaque tentacule coupé était une tête que l’on sectionne. L’épée, mon ( ?) épée touchée par le liquide se met à vibrer et hurle. Un long sifflement de souffrance, de détresse, elle s’arrache de ma main, non ce n’est pas ma main, celle là est gantée ; ce n’est pas mon épée non plus, cela ne peut être. Nuit de Lune vibre, elle rugit parfois mais jamais ne gémirait. Qui suis je ? Où ? En même temps, il y a dans la tête cette voix qui susurre : « laisse moi faire, laisse toi aller… Que crains tu ? Tu as déjà vaincu la mort, accepte moi, vient en moi, je te prends, je t’accueille… ». Et je me sentis glisser dans une liquide agonie… Cauchemar, balloté, des formes fluides rampent et enserrent, des doigts humides fouillent la pensée, et cette présence qui jauge, palpe, mâche et me rejette finalement, me dépose plutôt, presque tendrement sur la grève, apaisé. Le repos enfin ? Puis le froid à nouveau, terrible, le baiser glacé des flots ténébreux : il vous arrache de la bien portante insouciance de la non vie. L’esprit est aspiré, haut, très haut, au dessus de la forêt de mâts, au dessus même des plus hautes toitures de St Malô. La mer vers le bas, une plage et un corps qui flotte entre les brisants, un corps repoussé sur la grève par les vagues, un corps qui ne peut mourir comme les autres mais semble inconscient. Le temps reprend son cours avec la vie qui revient et la douleur avec. La marée se retire, et relâche sur le sable les reliefs de ses sous-marines agapes. Le corps est toujours balloté par le ressac. Deux prostituées s’approchent, croyant à un noyé, étonnées de l’aubaine. Elles tirent le cadavre un peu plus haut dans l’ombre plus épaisse de la jetée, afin que nul, même l’ivrogne plus haut sur le quai, ne puisse les voir dans leur inavouable affaire. Grognement, une main puissante enserre un poignet fragile. La voix est rauque, le souffle court mais on le sent redoutable à nouveau. Où suis-je ? Gêne et confusion dans la féminine engeance. Sourires et appât du gain aussi. L’affaire ne sera pas si mauvaise après tout ? Voilà la vie qui revient, qui doit la vie à qui ? On le hisse, on l’emmène au chaud... « Mestre, mestre… ? » Elle me touche légèrement l’épaule. Je sursaute, je m’étais assoupi sur une borne de coche. La fille se penche, comme si elle était inquiète. « Vous êtes à ma place, c’est pas un endroit pour un seigneur comme vous, voilà et Mmh…, mais si c’était votre bonté de m’offrir une bolée, il fait froid ce soir ». - Va pour une bolée ! Tu me raconteras les ragots de la ronde alentours ; ça me sortira bien de mes fâcheuses pensées, je dois oublier. Je réfléchirai à tout cela… plus tard. Nous entrons dans la taverne la plus proche, l’atmosphère est chaude, humide aussi, enfumée. Une fille à la voix aigre chante sans talent ni enthousiasme, une chanson qui n’existe pas encore, que je n’ai connu qu’après demain, c’était hier au siècle d’avant : … Allez venez Milord, vous asseoir à ma table… St Malo – séjour de jeux du Corsaire Ludique – quelqu’un me glisse un papier dans la poche pour un défi, rendez vous à minuit Anse des Sablons – Ce soir là, il pleut… très fort !
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Noir Solitaire | #11 12/10/2024 - 15h52 |
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La mort de DAI BAKEMONO
Récit de la mort du fils du Mont Bleu par E.G. En ce jour du samedi 21 avril 1990, les orages éclatèrent. Mais ce n’était point des orages ordinaires comme le commun des mortels pouvait les concevoir. Ces orages annonçaient la fin d’un Immortel. Comme sa puissance devait être grande ! Mais il n’est pas mort en combattant, il a lui-même donné fin à ses jours. Moi qui était son meilleur ami mortel, je vais vous narrer comment il procéda et pourquoi… Aujourd’hui DAI BAKEMONO s’est donné lui-même la mort en faisant « SEPPUKU », le suicide rituel réservé aux BUSHIS, pour garder son honneur sauf et mettre fin à cette mascarade qu’était sa vie d’HIGHLANDER. Mascarade en effet, car il ne trouva jamais qu’un adversaire qui accepta de le combattre ; et malgré les nombreux défis qu’il lança, il n’eût jamais de réponse. Il m’avoua que le seul qui eut mérité de prendre sa vie était le NOIR SOLITAIRE. Mais ce dernier, brave guerrier, n’était autre que son allié et leur combat était donc impossible. DAI BAKEMONO s’ouvrit donc le ventre sans que cet acte lui arrache une autre réaction qu’un sourire. Puis il tourna son regard vers moi et, comme le veut la tradition, je lui tranchai la tête à l’aide de son propre sabre. Si je vous raconte sa fin, c’est parce qu’il m’a demandé que celle-ci ne soit pas inutile et qu’elle serve d’exemple à tous les pleutres qui se cachent dans l’espoir d’être les derniers sans jamais avoir à combattre ; Mais ceux-là ne sauront jamais ce qu’est l’Honneur et la Bravoure qui font les vrais combattants… Il a laissé aussi un court message que je lui ai promis de transmettre par tout moyen à ma convenance. J’imagine qu’ainsi son destinataire le recevra comme il se doit même si tout cela est très loin, le temps n’a paraît-il pas de prise sur ces êtres : Adieu Noir Solitaire, mon noble ami ! Malgré ta noirceur d’âme, je te souhaite d’avoir le prix. Que ta lame soit sans pitié et ton esprit toujours implacable. Sache que mon âme sera toujours à tes côtés… A bientôt, en enfer ! Seppuku exécuté en solitaire au coeur de l'été aprés que le DERNIER TAARAKIEN ait fuit pour la troisième fois le défi de DAI BAKEMONO. Le DERNIER TAARAKIEN a été alors banni du cercle des immortels
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Noir Solitaire | #12 12/10/2024 - 15h52 |
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Dernier vol de l’Ombre
Récit du combat entre KAGEMUSHA et NOIR SOLITAIRE L’ombre est une région étrange, vraiment ! A-t’elle seulement des lois qui puissent être violées ? Ou de simples rites susurrés dans le vent qui souffle sur les siècles ? Les murmures engourdis que le temps accélère, en longues plaintes navrantes, peuvent-ils être saisis par l’imaginaire ? Quand le ciel est étoilé et que le vent du Nord s’infiltre sous la porte, qui oserait nier avoir craint pour son âme ? KAGEMUSHA ! Ombre du guerrier ou pas ? Je te cherchais dans les contes, histoires incertaines et poésies interdites, dans les légendes errant par delà toute littérature. En ce temps là, l’harageï n’était pour moi qu’un vague murmure qui signalait l’approche d’un de mes semblables, une sorte de gêne, un bourdonnement diffus alertant tous mes sens. Nous aurions pu nous chercher très longtemps dans cette cité qualifiée « des lumières » et il a fallu que tu viennes, dans cette salle d’armes où je professais alors… Dans l’ombre d’un regard, au détour d’une botte osée, nous nous sommes compris ! Puisse le temps, remonter un instant, au-delà de mon premier éveil, pour ce combat que tu as voulu aux Arènes de Lutèce… là où tu connus ta seconde naissance ! Oh, mannes impalpables, romaines ou parisii de tous les malheureux, hommes ou femmes courageux… ou couards… morts en ces lieux l’arme à la main ou sacrifiés… Sans doute, ce fut là, votre dernier spectacle, car à la fin de nous deux, le vainqueur absorba, une terrifiante énergie. Bref, violent, comme désespéré, tu t’es rué à l’assaut sans l’ombre d’une chance. Je frappais sans jouir de ta tête qui roula aux pieds d’Heriador, le témoin, avant de rebondir de gradin en gradin. Le temps comme toujours s’est arrêté un instant et c’est ainsi, que nous la vîmes, chuter sans fin, dans le puit des siècles s’écoulant inexorablement. Cela nous ramenait à notre condition, bien éphémère malgré toutes les vies vécues, celles qui le valaient comme celles qu’on aurait préféré oublier. C’est ainsi ! Je crois avoir gloutonné les mannes des involontaires témoins de cette rencontre… J’en porterai longtemps la trace désespérante ! Qu’importe, après tout ! Car je me dois de survivre et je viens de gagner une fois de plus un long sursis solitaire. Et puis, tout n’est que légende qui déforme sous la plume ! KAGEMUSHA, tu resteras légende ; et toujours aussi solitaire, j’entretiendrai tes rimes… Aussi longtemps qu’il m’en sera possible ! Un souffle de vent, bise glaciale apportant un hiver tardif, s’est levé glaçant la roche de longs frémissements bleutés… C’est l’ombre de la mort qui m’a frôlé autrefois et n’a pas voulu de l’animal que j’étais alors. Une ombre de plus s’est envolée avec elle, dans les replis incertains d’une mémoire qui s’alourdit à chaque nouveau combat, à chaque nouvelle victoire. À même le sol, quelque part entre les gradins usés, gisent quelques restes calcinés vite balayés par les premiers flocons ; sous la pierre, sentinelle interdite aux portes d’un royaume millénaire, dort une épée vaincue que je cachais soigneusement. D’un oubli inexorable, elle attend encore, tranquillement, la fin de notre éternité. ... combat en cercle restreint, organisé au parc des Arènes de Lutèce lors de la sortie officielle d'une extension MAGIC, à quelques pas de la boutique OEUF CUBE - PARIS.
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Noir Solitaire | #13 15/11/2024 - 14h17 |
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L’EMBARCADERE (Véli Lukije Adriatique) – Rencontre improbable avec Corto Maltèse
(cf autre sujet du lieu pour l'illustration, couleur SVP, d'autres étant disponibles.) L’alcool aidant, l’esprit errant, j’étais entré à nouveau en Terre de songes. Les songes gris, les songes creux, ceux du passé, lointain, si lointain ; mélancolie, incertitude, les songes qui rongent lorsque la mémoire tremble, remords ou regrets… de vies incertaines, inachevées, d’amours perdus subitement, de paternités avortées… d’odyssées rompues au sens perdu. L’esprit repu, le corps fourbu, l’âme au repos, l’ouzo bien frais dans le haut verre attend ma première lampée, je rêvassais. Il faisait bon, un peu chaud peut être à mon goût… pour un automne adriatique et les sons, les odeurs me ramenaient bien loin en d’autres temps plus insouciants… plus sauvages aussi quand seule l’envie guidait mes pas et gouvernait mes sens. La baraque oui, bien sûr, elle a son importance. Une baraque de guingois, semblable à tant d’autres, épuisée d’avoir trop accueilli de badauds, marins d’eau douce ou soldats égarés, maris lassés, meurtris, pauvres hères harassés, que l’alcool ramasse et mène doucement à la camarde. Une baraque isolée, sous une improbable couche de vernis crasseux, avec sa désuète terrasse de vieux bois vermoulu, semblait à l’abandon. On y servait pourtant les meilleurs alcools de toute l’île. La piste de sables gris à ses pieds menait à une lagune d’un autre temps, comme oubliée là par les vents de l’aventure. Et dans ce tableau digne d’un Hemingway, en noir et blanc, gris et sépia, un détail soudain fit tache. Fleur exotique, chevelure auburn, son pas lascif, postures alanguies, ramena inopportunément mon regard errant vers l’estran. « Elle » s’apprêtait à s’alanguir s’offrant impudiquement aux paresseux rayons d’un soleil expirant… Je levais d’un souhait une légère brise d’autan pour qu’elle se renforce. De maigres nuages se prélassaient dans l’azur, les regardant nonchalant, je fis ce qu’il fallait : Oui, oui, la brise devrait fraichir, le ciel s’assombrir. Quelques goélands étonnés, regagnèrent la rive, ajoutant une enivrante cacophonie, aux sons d’un port qui sentit soudain venir le coup de vent ; l’écheveau des drisses et mats commença à chanter, à siffler et cliqueter. Vint la lumière déclinante, fureteuse, pour faire de la vue comme un vitrail inspiré… quelques rayons lumineux sortirent de la brume marine pour illuminer le tableau, indiquant au profane le détail qui va donner sens à la scène. Un détail ? Oui, oui, Bouche Dorée, je t’entends, je le vois, il arrive… La silhouette sortit de la brume en bout de jetée comme je sors de l’ombre un soir d’aventure. Il était là tout simplement… veste longue sombre et casquette marine, l’anneau à l’oreille gauche, l’allure nonchalante de celui qui n’est pas las d’attendre que son destin le rattrape. Deux regards qui se croisent, deux paires d’yeux tranquilles qui saisissent sans plisser l’imperceptible nuance. Il s’arrête. Je durcis le trait un instant improbable avant de LE reconnaître, l’aventurier, le compagnon, rêve ou folie, celui qui est et va où il veut ; sans justification à donner. Que fait il là ? Ah oui, Il « La » cherche ! L’invite au bout du doigt… Il accepte, approche et s’assied, ni fatigué, ni inquiet avec cet air étrange, ce regard presque amusé qui bouscule toute méfiance. - … « Elle » était là ? - Oui, « Elle » y était à l’instant mais l’orage est arrivé… - Dommage, buvons alors. Santé ? – A l’Aventure ! – Oui, tostada ! …ils regardèrent un temps encore l’orage exulter alentours, le temps peut être que ne s’installe la nuit et que les flots s’apaisent. Puis, imperceptiblement le tableau lui-même s’effaça, un peu comme un film muet qui s’achève… Une dernière étincelle sur l’écran, un dernier crachotement, le silence se craquèle, la salle s’éveille et la vie reprend. ... printemps 2002 – Ile de Losinj – Une randonnée en kayak de mer, je me délasse avec un ami dans une petite taverne – un homme entre et s’assoit face à nous. Il me fixe d’un air halluciné… le dialogue s’engage dans un français hésitant : - « tu l’as vue… elle ? ». - « Non » - « Ah ? tu as ses yeux pourtant, les yeux de l’aventure » Cycle du Vent
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